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6.20.2011

Un nouvel éclairage apporté sur les figurines brisées de l'île de Keros

En Juin 1963 Colin Renfrew débarque sur l'île de Keros dans la mer Egée, afin d'y mener des recherches pour ses études. Le jeune diplômé de Cambridge avait été intrigué par les rumeurs de récents pillage sur cette île quasi-inhabitée.

Les preuve de pillages abondent et il fait un rapport au Service archéologique grec: des statues de marbre fracassées, des bols ainsi que des poteries brisées éparpillés sont retrouvés sur la colline de l'île.

Malgré leur destruction, il était évident que ces fragments dataient du Cycladique Ancien, une trouvaille intéressante en soi, mais comme il le réalisera plus tard, il venait de découvrir en fait les premiers éléments d'un rituel étonnant de l'âge du bronze.

Au moins 800 de ces fragments de figurines ont été trouvés sur Keros.

Un an plus tard, le Service archéologique grec réalise un important projet de valorisation afin de trouver des fragments d'un type de sculpture localisés  principalement dans les tombes des Cyclades de l'Age du Bronze.
La simplicité de ces belles figurines, avec leurs bras croisés, les pieds en pente et les visages sans traits, auraient inspiré les artistes modernes comme Picasso et Henry Moore.

Sur Keros, hormis une seule figurine intacte, l'ensemble des pièces récupérées ont toutes été brisées. Il y avait des «parties de corps» par centaines: un pied allongé, un seul sein, un bras replié, une paire de cuisses, un visage...

Toutefois, lorsque le «Keros Hoard» (magot de Keros), provenant des pillages, est apparu sur le marché des antiquités dans les années 1970, les pièces étaient aussi brisées, ne faisant qu'épaissir que le mystère.

La question était de savoir si Keros était en fait un ancien cimetière qui avait été détruit par des pillards, brisant tous les figurines uniques dans leur hâte, ou si le site était en fait tout autre chose...

En 1987, Renfrew, professeur au Département d'archéologie, et deux archéologues grecs sont autorisés à fouiller et à étudier la région pillée. "Nous avons récupéré de grandes quantités de matériel cassé et les fouilles n'ont donné  aucune indication de tombe", expliquait le professeur Renfrew.
Les fragments n'étaient donc pas des objets funéraires; ce fut l'une des premières  caractéristiques étonnantes découverte, comme le professeur Renfrew l'a expliqué: "En étudiant les matériaux en marbre, j'ai réalisé que presque toutes les ruptures semblaient être anciennes et non le résultat d'un pillage. Ils avaient été délibérément rompu avant l'enfouissement. "

"Bien que ces fouilles n'ont pas résolu l'énigme, cela a mis l'accent sur ​​la richesse du site et sur sa singularité". Les archéologues pensaient qu'un nouvel éclairage pourrait être apporté en fouillant une zone de quelques centaines de mètres plus au sud ainsi que le petit îlot de Dhaskalio qui se trouvait à 80 mètres au large des côtes de Keros.

Il faudra encore deux décennies avant que le professeur Renfrew ne puisse être en mesure de revenir, cette fois pour trois saisons de fouilles (se terminant en 2008) et avec une équipe internationale de près de 30 experts. Les analyses post-fouilles des découvertes sont désormais sur le point d'aboutir.

Durant la première année, l'équipe du projet Cambridge-Keros a fouillé le site du sud et a confirmé la présence d'un autre dépôt spécial, mais cette fois complètement perturbé par les pillards. La plupart du matériel a été regroupé dans de petites fosses de deux mètres de diamètre. Les ruptures sont anciennes et délibérée et il est noté une absence de fragments de marbre ce qui indique que les pièces ont été brisés ailleurs.
La datation au radiocarbone confirmera qu'ils ont été déposés sur le site sur une période de 500 ans: à partir de 2800 avant J.-C. jusqu'à 2300 av. JC.

Pendant ce temps, sur l'îlot de Dhaskalio, une image très différente est entrain d'émerger. Dès le départ, on découvre que l'îlot est un bastion majeur de l'Âge de Bronze avec des structures soigneusement construites sur des terrasses encerclant un sommet, sur lequel un grand hall a été érigé. Les dates d'habitation coïncident avec celles des dépôts avant que le site ne soit abandonné vers 2200 avant JC.

L'examen géologique a montré que les magnifiques murs de la colonie étaient en marbre, importé,  plutôt qu'en pierre calcaire locale trouvée sur Keros.
C'est aussi à cette même époque que les pyramides ont été construites et que Stonehenge a été érigé.
Les îles des Cyclades ont ainsi expédié de grandes quantités de matériaux de construction, probablement en radeau, sur des distances considérables pour construire Dhaskalio.

Ici aussi, les découvertes sont déconcertantes: une réserve de près de 500 cailloux en forme d'oeuf et des disques de pierre ont été trouvés un peu partout sur le site.
Et, bien qu'il y avait des preuves que l'olivier et la vigne étaient connus des habitants de Dhaskalio, les sols de l'îlot et de Keros n'auraient jamais suffit à nourrir l'importante population qu'indique l'échelle du site; ce qui suggère que l'alimentation a également été importée.

L'hypothèse d'une population essentiellement transitoire a été posée. Plusieurs indices la rendent plausible; ainsi le Dr Michael Boyd, qui a rassemblé les résultats des analyses post-fouilles, a expliqué: "les preuves archéobotaniques impliquent que le site n'a pas été intensivement occupé toute l'année, et, la poterie et les matières importées suggèrent la possibilité de groupes venant d'ailleurs de façon saisonnière "

"Un attrait possible du site", at-il ajouté, "serait bien sûr le dépôt spécial sur la rive juste en face." En fait, l'équipe de géologues estime que Dhaskalio et Keros étaient probablement une seule masse terrestre durant l'Age du Bronze Ancien, et que les mouvement tectoniques et l'élévation du niveau de la mer a créé la fracture.

Les analyses des découvertes montrent que Keros était un centre rituel majeur de la civilisation cycladique. "Nous pensons que la rupture des statues et autres objets était un rituel et que Keros a été choisi comme un sanctuaire pour en préserver les effets ", suggère le professeur Renfrew.


«Étrangement," at-il ajouté, "il semble y avoir eu une certaine obligation à porter un morceau de la figure brisée et de la déposer sur ce qui devait être l'île sacrée de Keros, puis, éventuellement, de rester quelques jours sur Dhaskalio tandis que la cérémonie se terminait."
Les pièces manquantes n'ont jamais été retrouvés sur d'autres îles et le professeur Renfrew se demande si elles n'ont pas été jetées dans la mer pendant le transit.

Ce ne serait pas la première fois qu'un sanctuaire est identifié sur les îles grecques (comme Delphes, Olympie et Délos, par exemple), mais ce serait le plus ancien et le plus mystérieux.

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