2.22.2018

Une étude génomique remet en question les origines des chevaux domestiques

En séquençant le génome des chevaux Botai, une équipe de chercheurs du CNRS et de l'Université de Toulouse III Paul Sabatier a découvert qu'ils n'étaient pas les ancêtres des chevaux domestiques d'aujourd'hui.

D'après l'étude, publiée dans la revue Science, ces équidés sont les ancêtres des chevaux de Przewalski que l'on pensait sauvages.

Une étude génomique remet en question les origines des chevaux domestiques
 Chevaux de Przewalski, réserve de réintroduction de Seer, Mongolie.  Photo: Ludovic Orlando / Natural History Museum of Denmark / CNRS


On sait que la première preuve de la domestication du cheval remonte à 5500 ans environ (voir à ce sujet l'article publié en 2009: Découvertes des plus anciennes traces de domestication du cheval), dans les steppes d'Asie centrale.


Et, jusqu'à présent, les modèles montraient que les chevaux domestiques modernes descendaient des chevaux domestiqués pour la première fois à Botai, dans ce qui est aujourd'hui le nord du Kazakhstan.

Ludovic Orlando, chercheur CNRS au laboratoire Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse (UMR-5288), et son équipe, ont séquencé les génomes de 20 chevaux Botai afin de tracer leur évolution biologique dans le cadre de la domestication; en effet, il est quasi impossible d'accéder aux premières étapes de la domestication en analysant les génomes de chevaux modernes, considérablement transformés par la sélection des éleveurs.


Des résultats inattendus.


Cette analyse génomique a donc révélé que les chevaux de Botai étaient les ancêtres directs des chevaux de Przewalski que l'on supposait être les derniers chevaux sauvages sur Terre; ils sont en fait les descendants sauvages des premiers chevaux à être domestiqués.


 Site de fouille de Botai dans le nord du Kazakhstan, 2017.  Photo: Alan Outram / University of Exeter

 L'étude a découvert certains changements apparus lors de ce retour à l'état sauvage, entre autre un allèle impliqué dans l'apparition d'une robe léopard, qui était présent chez le cheval de Botai mais qui a été perdu par la suite.

Reconstitution de chevaux de Botai basée sur l'étude génétique. Certains des chevaux se sont révélés porteurs de variants génétiques causant des robes aux motifs blancs ou léopard.  Photographie de Ludovic Orlando, retravaillée par Sean Goddard et Alan Outram.

En ce qui concerne les chevaux domestiques modernes, leur origine doit donc être recherchée ailleurs, car aucun des 22 chevaux eurasiatiques analysés par l'équipe (couvrant les 4100 dernières années) n'est apparenté à ceux de Botai.

Les chercheurs se concentrent actuellement sur d'autres sites candidats, en Asie centrale mais aussi dans les steppes pontiques du sud de la Russie, en Anatolie et dans différent secteurs au cœur de l'Europe.

Ce travail a impliqué 47 chercheurs représentant 28 institutions, dont, pour la France:
  • Le laboratoire Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier/Université Paris Descartes): UMR-5288
  • Les laboratoires Archéologies et sciences de l'Antiquité (CNRS/Université Paris Ouest Nanterre La Défense/Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Ministère de la Culture): ArScAn
  • Le laboratoire Archéozoologie,archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements (CNRS/MNHN). 

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2.21.2018

L'énigme de l'ancienne production du fer en Norvège

Pendant des siècles, les habitants de ce qui est aujourd'hui la région de Trøndelag en Norvège ont fabriqué de grandes quantités de fer de première qualité. Fait à partir de minerai provenant des tourbières, ce fer servait à fabriquer des armes et des outils.

L'énigme de l'ancienne production du fer en Norvège
Des fours, souvent quatre d'affilés, avec des tas de scories de la même taille indiquant que tous les fours ont fonctionné simultanément. Chaque four fonctionnait selon un programme cyclique, jusqu'à ce que la fosse à scories soit pleine. (Illustration: Inkalill)

La production a atteint un pic d'environ 40 tonnes par an aux alentours de 200 après JC. Avec des niveaux de production aussi hauts, il est très probable qu'ils aient exporté du fer vers le continent européen.

Mais d'où leur est venu cette expertise dans la fusion du minerai ?

Arne Wang Espelund, professeur au département des sciences et de l'ingénierie des matériaux à l'Université norvégienne de sciences et de technologies (NTNU), s'intéresse à la fabrication du fer depuis les années 1970. Il a lui-même aidé à fondre du fer avec une méthode décrite dans les années 1700 par Ole Evenstad à Stor-Elvdal, juste au nord de Lillehammer.

Cependant, cette méthode est différente des techniques utilisées en Norvège pendant près 900 ans jusqu'à environ 600 après JC. Au cours de cette même période, la peste et le ralentissement économique frappaient l'Europe et l'art de la fabrication du fer tombait dans l'oubli.

Pour le moment, personne ne sait vraiment comment les norvégiens de l'âge du fer ont appris à fabriquer du fer. 


Espelund a trouvé des indices qui mènent à l'Empire Romain.


Des scientifiques ont découvert un four en Autriche avec exactement les mêmes mesures et les mêmes caractéristiques que les fours norvégiens. Cette partie de l'Autriche appartenait alors à l'Empire Romain.

Des scientifiques en Autriche ont trouvé un four avec exactement les mêmes mesures et caractéristiques que les fours norvégiens. (Photo: Brigitte Cech)

L'archéologue Brigitte Cech a trouvé un four à Semlach, un village qui était dans le norique (royaume celtique) pendant la période romaine. Le four date d'environ 100 après JC. "C'est une copie parfaite des fours du Trøndelag. Il a les mêmes dimensions et une ouverture latérale" rapporte Espelund. Il est vrai cependant que la fosse à scories est construite en argile, alors que celles en Norvège étaient en pierre. Ce four autrichien est plus vieux que les plus anciens fours de Norvège de même conception.

Des fours encore plus anciens se trouvent à proximité de Populoniaet en Italie et de Burgenland en Autriche. "Je pense que la technologie d'extraction du fer doit provenir de l'extérieur de la Norvège," estime Espelund.

Son opinion est renforcée par le fait que personne n'a encore trouvé de preuve d'expérimentation de fabrication du fer en Norvège. Cela signifierait que les anciens norvégiens aurait maîtrisé l'art de fabriquer du fer de haute qualité, avec moins de 0,2 pour cent de contamination au carbone, sans aucune trace d'essais et d'erreur. Autrement dit, ils ont forcement appris l'art ailleurs.


Les ancêtres des romains.


Il se peut que les étrusques aient été les premiers à apprendre à faire du fer en Europe. Ils vivaient dans ce qui est aujourd'hui l'Italie et la Corse à partir de 700 avant JC. Les étrusques dominaient Rome au début de l'empire.

Les Celtes quant à eux ont amélioré le métal en ajoutant du carbone et en faisant ainsi de l'acier. La technique s'est répandue dans tout l'Empire Romain. Et peut-être même en Norvège. Le fer y était fabriqué à partir du minerai des tourbières. Le minerai était recueilli au printemps, tandis que la fusion était faite en automne.

Dans la Norvège peu peuplée, où beaucoup est encore préservé, il y a des centaines d'endroits avec des preuves de cette production, depuis les zones où le minerai était recueilli jusqu'aux endroits où le fer était extrait du minerai.


Résoudre le puzzle avec la chimie


Aujourd'hui, le signe le plus courant de la production de fer antique est le terril. Des analyses chimiques de ces terrils sont au cœur de la compréhension sur la façon dont le minerai était fondu.

Espelund est en fait un ingénieur minier, non un archéologue. Cependant, dans cette situation cela est un avantage. Il est habitué aux analyses chimiques et aux sciences naturelles, ce qui peut aider à apporter une contribution importante dans un sujet qui, selon lui, est souvent quelque peu descriptif.

Espelund, qui remercie les archéologues de NTNU pour leur coopération fiable sur le terrain, a cependant une approche différente lorsqu'il est confronté à un site archéologique, il aime s'appuyer sur sa boîte à outils de sciences naturelles.

Le minerai de fer contient différents composés riches en oxygène (FeOOH). Le minerai brut est d'abord chauffé sur un feu ouvert pour créer de l'oxyde de fer  (Fe2O3). Lorsqu'il est placé dans un four, cette matière première est ensuite transformée en fer très pur, car le monoxyde de carbone dans le four réagit avec l'oxyde de fer.
Cependant, un certain pourcentage du fer reste dans les scories, comme l'oxyde ferreux (FeO), cela renseigne sur la qualité du fer.


Les scories.


Les scories, provenant de trois sites en Norvège, mais aussi d'Islande, de Catalogne et d'Autriche, ont tous une composition remarquablement similaire. Ces scories contiennent environ 65% de mélange d'oxyde de fer et d'oxyde de manganèse. Environ 20% est de l'oxyde de silicium. Ce mélange s'appelle de la fayalite. Celui-ci peut à son tour nous éclairer sur la qualité du minerai et nous fournir des valeurs comparables entre les scories provenant de différents sites.

Fosse à scories à Heglesvollen en Norvège. (Photo: Arne Espelund)

Heglesvollen dans le Trøndela, est l'un des sites les plus importants pour la production du fer. Depuis 1982, quatre fours et 96 tonnes de scories ont été trouvés dans la zone. Cela suggère qu'il y avait une grande quantité de production de fer à cet endroit pendant un certain nombre d'années. Les chercheurs ont aussi vu que les fours avaient été réparés plusieurs fois.

Les archéologues ont découvert les restes de quelque chose qui aurait pu être une prise d'air pour un four qui aurait été alimenté par effet de cheminée à Vårhussetra. Mais c'est le seul site où ce type de prise d'air a été trouvé. "Se pourrait-il que certaines parties du processus de production aient été tenues secrètes et que ces prises d'air aient été détruites?" se demande Espelund. On ne le sait pas, mais il dit qu'une approche possible pourrait impliquer cinq prises d'air qui provoqueraient une sorte de feu de cheminée qui, à son tour, créerait des températures élevées.


Du bois de pin


Les datations carbone et d'autres analyses sur du bois suggèrent que les habitants de Trøndelag comptaient presque exclusivement sur le bois de pin pour la production de fer. "C'est parce que le pin brûle deux fois" dit Espelund; tout d'abord, le bois brûle avec de grandes flammes, ensuite il se transforme en charbon de bois qui tombe au fond du four, il peut alors être brûlé à nouveau et aider à la fusion.

L'ajout de bois créé un effet cheminée dans le four, ce qui, combiné avec des prises d'air dans les endroits appropriés pourrait éliminer la nécessité d'utiliser un soufflet qui peut être épuisant.

Espelund continue d'assister à des conférences pour en apprendre davantage et contribuer au débat.
Il reste cependant encore beaucoup de questions, et il n'est pas sûr qu'on trouvera toutes les réponses. "Vous devez être curieux" dit-il.


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2.15.2018

Les scientifiques ont probablement découvert ce qui a tué les aztèques il y a 500 ans

En 1545, un désastre frappe la nation aztèque lorsque les gens commencent à être décimés suite à des fièvres élevées, des maux de tête et des saignements des yeux, de la bouche et du nez. La mort survenait généralement dans les trois ou quatre jours.

En cinq ans près de 15 millions de personnes (80% de la population) ont ainsi succombé à une épidémie que les habitants ont appelé "cocoliztli". Le mot signifie peste en nahuatl, la langue aztèque.

Les scientifiques ont probablement découvert ce qui a tué les aztèques il y a 500 ans
Des fouilles de la place centrale sur le site de Teposcolula-Yucundaa ont révélé une découverte inattendue: un grand cimetière lié à l'épidémie de cocoliztli en 1545-1550. Photo:Christina Warinner, Teposcolula-Yucundaa Archaeological Project



La cause de cette maladie est restée obscure pendant presque 500 ans.


Récemment, des scientifiques ont éliminé la variole, la rougeole, les oreillons et la grippe comme suspects probables, identifiant une «fièvre entérique» ressemblant à la typhoïde pour laquelle ils ont trouvé des traces d'ADN sur les dents de victimes mortes depuis longtemps.

"Le cocoliztli de 1545-1550 est l'une des nombreuses épidémies qui ont touché le Mexique après l'arrivée des européens, mais elle a été la seconde parmi les trois épidémies qui ont été les plus dévastatrices et qui ont conduit au plus grand nombre de pertes humaines" rapporte Åshild Vågene de l'Université de Tübingen en Allemagne, "la raison de cette épidémie est débattue depuis près d'un siècle par les historiens, et aujourd'hui nous sommes en mesure de fournir des preuves directes grâce à l'utilisation de l'ADN ancien pour contribuer à cette question historique."

Vågene est co-auteur d'une étude publiée dans la revue Nature Ecology and Evolution: Salmonella enterica genomes from victims of a major sixteenth-century epidemic in Mexico.

L'épidémie est considérée comme l'une des plus meurtrières de l'histoire de l'humanité, approchant celle de la Peste Noire qui a tué 25 millions de personnes en Europe de l'Ouest au 14ème siècle, soit environ la moitié de la population d'alors.

Les colons européens ont répandu la maladie alors qu'ils s'aventuraient dans le nouveau monde, apportant des germes que les populations locales n'avaient jamais rencontrées et contre lesquelles elles manquaient d'immunité.

Ci-dessus une tombe avant d'être fouillée. Elle contient les restes de trois individus, tous testés positifs à la salmonella enterica. Les fosses communes dans la Grand Plaza étaient peu espacées et grossièrement découpées dans le sol en plâtre. Le sol n'a jamais été réparé, ce qui indique la hâte avec laquelle le site a été abandonné peu de temps après l'épidémie. Photo: Christina Warinner.

La peste cocoliztli de 1545 dans ce qui est aujourd'hui le Mexique et une partie du Guatemala est survenue juste deux décennies après une épidémie de variole qui a tué environ 5 à 8 millions de personnes juste après l'arrivée des espagnols. Une seconde épidémie, entre 1576 et 1578, a anéantie la moitié restante de la population.

"Dans les cités et grandes villes, de grands fossés ont été creusés, et du matin au soir, les prêtres ne faisaient que transporter les cadavres pour les jeter dans ces fossés", c'est ce que raconte l'historien franciscain Fray Juan de Torquemada. Et, même à l'époque, les médecins ont déclaré que les symptômes ne correspondaient pas à ceux de maladies mieux connues comme la rougeole et le paludisme.


Aujourd'hui, les scientifiques pensent avoir démasqué le coupable.


En analysant de l'ADN provenant de 29 squelette inhumés dans un cimetière de cocoliztli, ils ont trouvé des traces de la bactérie salmonella enterica de la variété Paratyphi C. Elle est connue pour causer de la fièvre entérique, dont la typhoïde est un exemple.
Le sous-type mexicain provoque rarement une infection humaine aujourd'hui.

De nombreuses souches de salmonelles se sont propagées par de la nourriture ou de l'eau contaminée, et ont pu voyager avec des animaux domestiqués apportés par les espagnols. Salmonella enterica était présente en Europe au Moyen Âge.

"Nous avons testé tous les pathogènes bactériens et les virus à ADN pour lesquels des données génomiques sont disponibles" et la salmonella enterica a été le seul germe détecté rapporte le co-auteur Alexander Herbig.

Il est possible, cependant, que certains pathogènes étaient indétectables ou complètement inconnus. "Nous ne pouvons dire avec certitude que salmonella enterica a été la cause de l'épidémie de cocoliztli" ajoute le membre de l'équipe Kirsten Bos, "nous estimons qu'elle devrait être considérée comme une candidate très probable".



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2.08.2018

Des milliers de structures mayas découvertes sous la jungle du Guatemala

Dans ce qui est salué comme une "percée majeure" dans l'archéologie maya, des chercheurs ont identifié les ruines de plus de 60000 maisons, pyramides, routes surélevées et autres structures artificielles masquées depuis des siècles sous les jungles du nord du Guatemala.

Des milliers de structures mayas découvertes sous la jungle du Guatemala
Le LiDAR enlève numériquement la canopée pour révéler les anciennes ruines, montrant des cités mayas bien plus grandes que ne le suggèrent les recherches au sol. Photo: Wild Blue Media/National Geographic

A l'aide de la technologie LiDAR (Light Detection And Ranging) ou télédétection laser, les spécialistes ont enlevé numériquement la canopée des images aériennes de ce paysage aujourd'hui non peuplé. Cela a permis de révéler les ruines de cette civilisation précolombienne tentaculaire qui était beaucoup plus complexe et interconnectée que la plupart des spécialistes mayas ne l'avaient supposé.


Plus de 2100 km² cartographiés


"Les images LiDAR montrent clairement que toute cette région était un système d'implantation dont l'échelle et la densité de population avaient été grossièrement sous-estimées" rapporte Thomas Garrison, archéologue de l'Ithaca College spécialisé dans l'utilisation des technologies digitales pour les recherches archéologiques.

Garrison fait partie d'un groupement de chercheurs qui participent au projet, mené par la Fondation Pacunam, une organisation à but non lucratif guatémaltèque qui favorise la recherche scientifique, le développement durable et la préservation de l'héritage culturel maya.

Le projet a permis de cartographier plus de 2100 kilomètres carrés de la réserve de biosphère maya dans la région du Petén au Guatemala, produisant le plus grand ensemble de données LiDAR jamais obtenues pour la recherche archéologique.

Les résultats suggèrent que l'Amérique Centrale supportait une civilisation avancée qui était à son apogée il y a quelque 1200 ans, comparable aux cultures sophistiquées comme l'ancienne Grèce ou la Chine, et non pas quelques villes dispersées et peu peuplées qu'ont longtemps suggéré les recherches menées au sol.

L'œil nu ne voit que la jungle et un monticule envahi, mais le LiDAR et le logiciel de réalité augmentée (ci-dessous) révèlent une ancienne pyramide maya. Photos: Wild Blue Media/National Geographic

En plus ces centaines de structures jusque là inconnues, les images LiDAR montrent des routes surélevées reliant les centres urbains et les carrières. Des systèmes d'irrigation et de terrassement supportaient une agriculture intensive capable de nourrir des masses de travailleurs qui ont radicalement remodelé le paysage.

Les anciens mayas n'ont jamais utilisé la roue ou de bêtes de somme, pourtant "c'était une civilisation qui avait littéralement déplacé des montagnes" dit Marcello Canuto, archéologue à l'université Tulane et participant au projet, "Nous avons cette conjecture occidentale supposant que les civilisations complexes ne peuvent pas prospérer dans les tropiques, que les tropiques sont le lieu où les civilisations vont mourir. Mais avec les nouvelles évidences fournies par les données LiDAR, que ce soit en Amérique Centrale ou à Angkor Vat au Cambodge (voir à ce sujet l'article: Le lidar révèle qu'Angkor était quatre fois plus grand qu'on ne le pensait précédemment), nous devons maintenant considérer que des sociétés complexes se sont peut-être formées dans les tropiques puis se sont dirigées vers l'extérieur."


Des aperçus surprenants


"Le LidAR est en train de révolutionner l'archéologie comme le télescope Hubble a révolutionné l'astronomie" rapporte Francisco Estrada-Belli, archéologue à l'Université Tulane, "Il nous faudra cent ans pour parcourir toutes les données et vraiment comprendre ce que nous voyons".

Déjà, cependant, l'étude a fourni des aperçus surprenant sur les schémas de peuplement, la connectivité inter-urbaine et la militarisation dans les basses terres mayas.

Les télédétections laser ont révélé plus de 60 000 structures mayas auparavant inconnues qui faisaient partie d'un vaste réseau de villes, de fortifications, de fermes et d'autoroutes. Image: Wild Blue Media/National Geographic

A son apogée au cours de la période classique maya (environ 250-900 après JC), la civilisation recouvrait une région grande comme environ deux fois l'Angleterre médiévale, et était bien plus densément peuplée. "La plupart des gens étaient d'accord avec les estimations d'une population d'environ 5 millions de personnes" ajoute Estrada-Belli qui dirige un projet archéologique multi-disciplinaire à Holmul au Guatemala, "avec ces nouvelles données, il n'est plus déraisonnable de penser qu'il y avait 10 à 15 millions de personnes là-bas, y compris beaucoup vivant dans des zones basses marécageuses que beaucoup d'entre nous pensions inhabitables"

Virtuellement, toutes les cités mayas étaient reliées par des chaussées suffisamment grande pour suggérer qu'elles étaient très fréquentées et utilisées pour le commerce et autres interactions régionales. Ces grandes routes étaient surélevées pour permettre un passage plus facile pendant les saisons des pluies.

Dans cette partie du monde où il y a généralement trop ou pas assez de précipitations, l'écoulement de l'eau a été méticuleusement planifié et contrôlé par des canaux, des digues et des réservoirs.

Parmi les découvertes les plus surprenantes, il y a l'omniprésence des murs défensifs, des remparts, des terrasses et des forteresses. "La guerre ne se passait pas seulement vers la fin de la civilisation" dit Garrison, "elle était à grande échelle et systématique, et elle a duré pendant de nombreuses années".


Des sites riches d'informations mais menacés.


L'étude a aussi révélé des milliers de fosses creusées par les pilleurs modernes. "Beaucoup de ces nouveaux sites, ne sont nouveaux que pour nous, mais ce n'est pas le cas pour les pilleurs" ajoute Marianne Hernandez, présidente de la fondation Pacunam.


La dégradation de l'environnement est une autre préoccupation. Le Guatemala perd 10% de ses forêts annuellement, et la perte d'habitat s'est accélérée le long de sa frontière avec le Mexique alors que des gens brûlent et défrichent les terres pour l'agriculture et la construction. "En identifiant ces sites et en aidant à comprendre qui était ce peuple, nous espérons sensibiliser sur la valeur de la protection de ces lieux" ajoute Hernandez.

L'étude est la première phase de l'initiative Pacunam LiDAR, un projet de trois ans qui finira par cartographier plus de 14 000 kilomètres carrés des basses terres du Guatemala, qui font partie d'un système d'implantation précolombien qui s'étendait au nord du golfe du Mexique.

"L'ambition et l'impact de ce projet est tout simplement incroyable" estime Kathryn Reese-Taylor, archéologue de l'université de Calgary et spécialiste maya associé au projet de Pacunam, "Malgré des décennies passées à traverser les forêts, aucun archéologue n'était tombé sur ces sites. Plus important encore, nous n'avons jamais eu la vue d'ensemble que nous apportent ces données. Elles retirent réellement le voile et nous aident à voir cette civilisation comme les anciens mayas la voyaient".

Merci à André pour l'info !


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2.02.2018

Comment la thermographie aérienne révolutionne l'archéologie

Une étude dirigée par l'université privée américaine Dartmouth College a démontré comment la thermographie aérienne est en train de transformer l'archéologie en raison des progrès de cette technologie.

Les caméras thermiques actuelles, ainsi que les drones et les logiciels de photogrammétrie apportent un nouveau domaine de possibilités de collecte de données sur les sites.

Comment la thermographie aérienne révolutionne l'archéologie
(a) Orthoimage en couleur d'une zone étudiée à Enfield Shaker Village, New Hampshire, avec la localisation des constructions historiques indiquées sur un plan de 1917; (b) données d'une étude de gradiométrie magnétique; (c) imagerie thermique brute depuis une caméra thermique radiométrique; et (d) imagerie thermique traitée pour ne montrer que les valeurs présentent sous la pelouse (Images de Jesse Casana, Austin Chad Hill et Elise Laugier)

Les découvertes, publiée dans la revue Advances in Archaeological Practice, servent de manuel sur la façon d'utiliser la thermographie aérienne. En effet, les co-auteurs espèrent inspirer d'autres chercheurs à appliquer cette méthodologie dans leur travail.

Les archéologues utilisent depuis longtemps des images infrarouges thermiques pour localiser des constructions enfouies et autres éléments du paysage culturel. Le rayonnement infrarouge thermique associé aux caractéristiques archéologiques dépend de plusieurs variables, dont la composition du sol, sa teneur en humidité et sa couverture végétale.

Les anciennes méthodes géophysiques conventionnelles, comme l'arpentage, permettaient aux archéologues d'obtenir des données de terrain sur la base d'un hectare par jour. Mais aujourd'hui, la thermographie arienne permet de recueillir des données d'enquête sur le terrain sur une zone beaucoup plus vaste et en beaucoup moins de temps.


Les avantages de la thermographie aérienne.


Les anciennes caméras étaient incapables d'enregistrer des données de spectre complet ou des données de température pour chaque pixel d'une image. Maintenant les caméras thermiques radiométriques associées à de petits drones peu coûteux et faciles à piloter (ils peuvent être contrôles avec un smartphone ou une tablette), rendent la thermographie aérienne plus précise, compréhensible et accessible.

Cartographier plusieurs images aériennes ensemble est aussi devenu plus facile grâce à de nouveaux logiciels photogrammétriques, qui alignent automatiquement les images et les fonctionnalités de l'ortho-image (une ortho-image est une image, aérienne ou satellitaire, superposable à une carte.); ils corrigent aussi une image pour rendre l'échelle uniforme.


Des études de cas concluants


Les chercheurs ont mené des études de cas dans six sites archéologiques en Amérique du Nord, en Méditerranée et au Moyen Orient pour évaluer l'efficacité des relevés thermiques aériens.

Ils ont analysé comment le temps, l'environnement, le moment de la journée, la couverture de sol et les caractéristiques archéologiques peuvent affecter les résultats. Ils ont aussi comparé leurs trouvailles à de précédentes études et images historiques.

Comment la thermographie aérienne révolutionne l'archéologie
Fichier photos de 2014: une chambre de la période Chaco à Blue J, telle qu'elle apparait à (a) 5:18 a.m. en image thermique; (b) plan architectural produit par les fouilles d'exploration; (c) une image colorisée, puis des images thermiques prises à (d) 6:18 a.m.; (e) 7:18 a.m.; et (f) 9:58 p.m. (Images de Jesse Casana, John Kantner, Adam Wiewel, et Jackson Cothren).

Ainsi, par exemple, sur une implantation ancestrale Pueblo à Blue J au Nouveau Mexique, les chercheurs ont été capables de cartographier en détail les plans architecturaux d'une dizaine de maisons anciennes. Cette découverte a été rendue possible par les conditions optimales du site, la matrice du sol, la faible densité de la couverture végétale et les conditions environnementales au moment de la thermographie aérienne.

Ils ont pu aussi reconnaitre les traces de bâtiments et voies historiques enfouis depuis longtemps dans le village Shaker à Enfield, New Hampshire.

"Une grande partie de ce que nous avons appris de nos recherches à ce jour montre à quel point les conditions environnementales locales et le calendrier des relevés peuvent influer sur la façon dont les images thermiques peuvent révéler des vestiges archéologiques. Ainsi, mieux nous comprenons ces paramètres, mieux nous sommes en mesure de déployer la technologie. Je pense que nos résultats démontrent le potentiel de la thermographie aérienne pour transformer la façon dont nous explorons les paysages archéologiques dans de nombreuses régions du monde." rapport Jesse Casana, professeur associé en anthropologie à Dartmouth, qui a utilisé des drones en thermographie aérienne pendant cinq ans dans ses recherches historiques.


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1.31.2018

Exposition "Météorites - Entre ciel et terre"

Le Muséum national d'Histoire naturelle présente jusqu'au mois de juin l'exposition "Météorites - Entre ciel et terre". Ce sont plus de 350 météorites qui peuvent être observées.


Exposition "Météorites - Entre ciel et terre"


Ce que soit des objets de culte ou de science, des objets craints ou sources d’inspiration, les météorites sont porteuses à la fois d’émotions et d’informations inestimables. Le visiteur est convié à un voyage dans l’espace et le temps devant des objets âgés de 4,56 milliards d’années qui ont voyagé des centaines de millions de kilomètres avant de parvenir jusqu’à nous.



Météorites et archéologie



Au fil de la visite, le public est invité à découvrir un aspect méconnu des météorites : leur lien avec l'archéologie.

Ainsi plusieurs objets en fer météoritique ont été découverts au cours de fouilles archéologiques car avant l'invention de la métallurgie, le fer météoritique était la seule source de fer disponible pour les humains.

Une dague en fer météoritique a été retrouvé dans le tombeau de Toutankhamon, signe de la puissance de perception des météorites à l'époque (voir l'article à ce sujet: Une étude révèle qu'une dague de Toutankhamon est en fer provenant d'une météorite).

Le fer météoritique a aussi été utilisé pour fabriquer des armes et des bijoux (dont certains spécimens sont exposés)

Matthieu Gounelle, commissaire de l'exposition, vient de débuter un véritable projet de recherche mêlant archéologie et météorite. C'est en analysant les objets métalliques datant de l'âge du bronze qu'il peut percevoir s'ils sont composés de fer météoritique. Pour cela, il a acquis un outil très spécifique, lui permettant de détecter en quelques minutes les différents métaux présents dans les objets analysés.
Ce travail pourrait être un moyen de comprendre les échanges dans le bassin méditerranéen et les conditions d'apparition de la sidérurgie.



Informations pratiques:

Jardin des Plantes
Grande Galerie de l’Évolution
36, rue Geoffroy Saint-Hilaire, Paris 5e

Ouvert de 10h à 18h tous les jours,
sauf le mardi et le 1er  mai

Tarif plein: 11€
Tarif réduit: 9€

Informations pour le public:
01 40 79 54 79 / 56 01
Site internet de l’exposition: expometeorites.fr

1.25.2018

Un cercueil de plus 1000 ans découvert sous l'autel d'une petite église au Danemark


Au Danemark, des archéologues ont ouvert le couvercle d'un sarcophage qui a révélé un squelette vieux de 1000 ans. Ce serait celui d'un clerc grand de près d'1m90.

Les scientifiques espèrent démontrer que cela pourrait être les restes de l'ecclésiastique Eilbert, évêque d'Odense au 11ème siècle. Si c'est le cas, ce serait la plus ancienne tombe d'évêque découverte dans le nord de l'Europe.

Un cercueil de plus 1000 ans découvert sous l'autel d'une petite église au Danemark
  Les archéologues enlèvent les dalles de pierre du sarcophage. Photo: fyens.dk

Les restes du squelette ont ainsi appartenu à un homme âgé d'environ 30 ans et mesurant 1m87.

Dans la vidéo plus bas, on voit les archéologues du Musée de la ville d'Odense soulever les dalles du sarcophage en pierre qui est resté scellé pendant un millénaire. Alors que l'un d'eux enlève la seconde dalle, les jambes inférieures du squelette deviennent visibles.

Les archéologues ont ensuite commencer à mettre au jour la moitié supérieure du squelette qui était enfouie dans la terre qui s'est déversée dans le cercueil au fil du temps.

Un cercueil de plus 1000 ans découvert sous l'autel d'une petite église au Danemark
Photo: fyens.dk

L'homme a été inhumé avec un ensemble eucharistique miniature, une assiette pour l'hostie et un calice pour le vin, près de sa hanche: ce qui suggère qu'il occupait une position cléricale dans l'église.

Le sarcophage a été découvert en septembre 2017 au pied d'un autel dans une petite église en bois du Prieuré de St. Alban à Odense, après que les archéologues aient commencé une étude du secteur avant l'installation d'un projet de tramway.

Le cercueil et son grand squelette ont été rapportés à l'Université du Danemark du Sud pour plus de tests.


Merci à Audric pour l'info !

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1.19.2018

Un ancien texte indien repousse l'histoire du zéro de 500 ans

Bien que le symbole "0" nous soit familier, ses origines sont bien plus incertaines. Une récente séries de datations au carbone pourrait réécrire l'histoire des mathématiques car elle repousserait de 500 ans l'apparition du zéro.

Un ancien texte indien repousse l'histoire du zéro de 500 ans
La plus ancienne utilisation connue du zéro.  Bodleian Libraries, University of Oxford

Ce nombre apparait dans un ancien texte indien appelé manuscrit de Bakhshali. Il se compose de 70 feuilles d'écorce de bouleau, remplies de mathématiques et de textes en sanskrit. "Cela semble être un manuel de formation pour les moines bouddhistes" rapporte Marcus du Sautoy de l'Université d'Oxford.

Le manuscrit avait été découvert par un fermier en 1881 et a été nommé d'après le village où il a été trouvé, dans ce qui est aujourd'hui le Pakistan. Depuis 1902, il se trouve la bibliothèque bodléienne de l'Université d'Oxford.

Aujourd'hui, pour la première fois, le manuscrit a été daté au radiocarbone, et cela a immédiatement bousculé certaines croyances. En effet, on pensait qu'il était du 9ème siècle, mais les datations ont révélé que les pages les plus anciennes remontent entre 224 et 383 après JC.

Cela signifie que le manuscrit est antérieur à l'inscription du zéro sur le mur d'un temple du 9ème siècle à Gwalior en Inde, qui était le plus ancien zéro enregistré à ce jour.

Dans le texte il y a des centaines de zéros indiqués par un point. C'est ce point qui deviendra plus tard le symbole avec un trou au milieu que nous connaissons aujourd'hui.

Le point était à l'origine utilisé comme un marqueur de position,  comme lorsque "0" est utilisé dans le nombre 505 pour indiquer qu'il n'y a pas de dizaines, mais il n'était pas encore un nombre à part entière.

L'utilisation du zéro comme marqueur de position est apparu dans plusieurs anciennes cultures, tels que les anciens mayas et babyloniens. Mais c'est le point indien qui a fini par acquérir le statut de vrai nombre, tout d'abord décrit en 628 après JC par l'astronome et mathématicien indien Brahmagupta.

"Certaines de ces idées que nous tenons pour acquises avaient dû être imaginées. Les chiffres étaient là pour compter les choses, donc s'il n'y a rien, pourquoi auriez-vous besoin d'un numéro ?" ajoute du Sautoy.

Un ancien texte indien repousse l'histoire du zéro de 500 ans
 Les 70 feuilles en écorce de bouleau qui composent le manuscrit de Bakhshali.  Bodleian Libraries, University of Oxford

Le concept du zéro, à l'origine interdit car hérétique, a finalement été autorisé pour le développement du calcul, et sous-tendre l'ère numérique. "L'ensemble de la technologie moderne est construite sur l'idée de quelque chose et rien" dit-il.

Dans ce document, il a été difficile de le dater car toutes les pages ne datent pas du même jour; il y a près de 500 ans entre les plus anciennes et plus récentes pages. "La raison pour laquelle toutes ces pages ont été réunies ensemble reste encore un mystère" conclu du Sautoy.



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